samedi 12 novembre 2011

Cérémonie du 11 novembre 2011

Monument aux Morts - Moissac - 11/11/2011 Photo. BEZGHICHE Ch.


Pour la première fois depuis 50 ans, un nouveau nom a été gravé. Thibault MILOCHE, Adjudant-chef, infirmier au 126e Régiment d'Infanterie de Brives, domicilié à Moissac, marié et père de famille, est décédé des suites de blessures en Afghanistan le 14 octobre 2010, Mort pour la France, tout comme ces "anciens", les premiers inscrits il y a près de 100 ans, les seconds il y a 70 ans, les derniers il y a 50 ans.
Nous avons vécu cette cérémonie avec beaucoup d'émotion, mais quelle autre cérémonie l'attendait, de l'autre côté de ce Monument. Quel accueil a-t-il reçu des "anciens", inscrits avant lui... Permettez-moi de l'imaginer (*)

Hommage des "anciens"  à Thibault MILOCHE.
 
     "La foule était compacte sur cette petite esplanade face au Moulin. Pensez-donc, 323 hommes, tous dans leur habits de campagne, certains portant encore leur pantalon rouge "garance", d'autres n'ayant pu enlever les traces de boues et de sang de leur vareuse, et il semble même y avoir quelques civils.
De nombreux hommes de troupes, des soldats de 2e classe, matelots, canonniers, chasseurs, quelques caporaux et lieutenants, un chasseur Alpin, quelques hussards, certains sans leurs chevaux, et même un lieutenant-colonel !  Des hommes qui dans le civil, étaient cultivateurs, métayer, vignerons, Bateleur, commerçant, Magistrat, fonctionnaires et aussi quelques militaires de carrière.

      On ne compte plus les drapeaux de Régiments, 25, 30, peut-être 50... Le 15e Régiment d'Infanterie est probablement le plus représenté. Il y a bien sur l'Infanterie, mais aussi,
l'Artillerie, les Coloniaux avec et oui, un zouave ou un tirailleur (je ne sais le reconnaître), le Génie est également représenté ainsi que l'Aviation, mais j'en oublie certainement.

      L'instant est grave. Ils accueillent en ce jour du 11 novembre 2011, le petit, "lou pitchoun", comme ils disent.. Cette guerre en Afghanistan ils ne la connaissent pas, les plus anciens même ignorent qu'un tel pays existe. Ils choisissent avec soin les porte-drapeaux ; peut-être que parmi les hommes, il y en a un du 126e, mais timide ou par pudeur, il ne s'est pas encore déclaré (**)  Tous les autres soldats sont en rang, prêts pour la cérémonie. 
  • Tout d'abord, portant le drapeau du 220e RI,  l'un des plus jeunes, Aristide Capmarty, 18 ans en 1916, face au plus âgé, Abel Compadre, 58 ans Lieutenant-Colonel, redevenu pour ce jour, simple porte-drapeau du 83e RALT.
  • Marcel Liounet, brancardier, porte fièrement sa croix de guerre, et représente le service de santé.
  • Les frères Bach, Jacques et Emile morts l'un en 14 l'autre en 15, accompagnés de leur neveu, Marcel Delbosc tué en 40, représentent la famille.
  • Emile Lacombe, ancien enfant de troupe d'Autun, sous-lieutenant au 83e RI, et Justin Balits, sergent, engagé volontaire depuis 1910 dans les troupes coloniales, représentent l'armée de carrière.
  • Le drapeau du 15e RI est porté par Mariano Costa, fils d'immigré espagnol et son beau-frère Alphonse Cugat, inséparables même dans la mort.
  • Justin Loyal né à Alger et Yovanovitch Swetovar né à Belgrade se font face portant les drapeaux des 10e RAP et 176e RI.
  • Roger Galouse pour le 5e RG et Pierre Lafage du 15e RIA rappellent qu'il y a eu une seconde guerre mondiale.
  • Portant un simple brassard, les résistants, Manuel Cugat et Claude Larroque, sont soldats de l'ombre et de la liberté.
  • Enfin, arrivent deux soldats,  qui croyaient et espéraient être les derniers, eux qui ont combattus en  Algérie, Maroc ou Tunisie.
18 porte-drapeaux, mais ils auraient tous voulus être au premier rang de cette cérémonie. Le petit nouveau qui arrive, il était militaire de carrière et infirmier, il n'a pas été mobilisé, ni contraint, mais  son engagement est le même, servir les autres, défendre nos valeurs, préservez la paix, cette paix pour laquelle les poilus, résistants et autres soldats ont donné leur vie.

Les drapeaux se relèvent. La marseillaise est entonnée a capella par tous les participants.

Le maître de cérémonie accueille Thibault MILOCHE.  
     Dit "lou pitchoun", il n'y avait plus beaucoup de place sur ce monument. J'espère que tu es le dernier. Tu y as une place, comme n'importe quel autre homme, ici gravé dans le marbre. Demain, les grades, uniformes et drapeaux seront rangés. Nous serons un nom et un prénom, tous égaux sur ce monument comme nous le sommes dans la Mort."

"au dela" de Moissac, le 11 novembre 2011.

 ******
 (*) l'idée du texte m'est venue après la lecture d'un magnifique texte écrit par un autre passionné lors de la Mort du dernier Poilus en 2008. Je l'ai adapté à la fois aux circonstances nouvelles (inscription d'un soldat de l'OPEX) et aux soldats locaux, déjà inscrits sur ce MAM.
(**) à ce jour, tous les soldats du MAM, toutes guerres confondues, ne sont pas identifiés.

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